L'HABITATION LA FONTANE
des Hauteurs de Fort de France
L'HABITATION LA FONTANE, situé sur la route qui mène du centre ville de Fort de France à BALATA, comporte une indépendance où sont encore installée trois chaudières montées sur un support en maçonnerie, de manière à pouvoir être chauffées.
La maison basse, de type colonial, en bois sur solage en "maçonne", qui abrite le restaurant, surplombe la route et permet un vue plongeante sur la ville de Fort de France et sa rade. Le type de la maison et l'existence de chaudières identiques à celles utilisées dans la fabrication du sucre de canne ont permis à l'actuelle propriétaire d'effectuer auprès de autorités compétentes une démarche d'homologation du lieu comme monument historique.
Compte tenu de l'importance de l'habitation-sucrerie dès le dernier quart du 17ème siècle à la Martinique, de la rareté, dans les hauteurs de Fort de France, de témoins si bien conservés d'une activité sucrière, il nous a paru important d'étayer, à l'aide de documents authentiques, l'existence d'une habitation-sucrerie au lieu où se trouve actuellement implanté le restaurant "LA FONTANE".
L'existence d'une sucrerie semble confirmé par le personnel esclave de la concession en 1667 : 1 domestique contre 27 nègres, 15 négresses et 17 négrillons (au total 59 esclaves non domestiques).
FONTANNE de LILLE, négociant très probablement commissionnaire puisse faire l'acquisition de l'habitation "LA FONTANE" après la guerre. Le pouvoir d'achat des commissionnaires et gros planteurs blanc entraîne du reste une concentration foncière au 18ème siècle 5 . Un enquête de 1778 "dénombre 286 sucreries dont une centaine d'établissements importants employant 12.000 esclaves, 150 de taille moyenne pour 9.000 noirs et, enfin, 36 petites sucrerie regroupant 2.000 nègres.
Ce même acte 6 indique que l'habitation comporte : "une maison de maître ... en mauvais état ... un bâtiment servant de cuisine et de gragerie avec platine montée, un tourniquet et un bâtiment servant de sucrerie et de purgerie, en maçonne et diverses cases à nègres et vingt esclaves.
La contenance des terres n'a pas varié, soit cinquante quatre hectares, vingt huit ares, quatre vingt douze centiares. Pourtant, la fin de 1830, la société est dissoute et le Sieur PARET devient le seul propriétaire de l'habitation-sucrerie contre "la somme de quatre vingt onze mille cinq cent francs vingt centimes, la totalité de l'habitation vendue pour le prix de cent quatre vingt trois mille cinquante francs cinquante six centimes 7. Un acte de 1864 nous permet de mieux connaître son activité.
En 1835, celle-ci passe des mains du Sieur PARET à celle de son épouse par suite d'une vente entre époux qui permet à l'épouse de conserver sa fortune personnelle 8 (acte de Me LEYRITZ, 2 juillet 1835). Elle en reste propriétaire jusqu'à la mort de son mari et le cahier des charges rédigé pour la vente sur licitation, demandée par les héritiers en 1864, renseigne vraiment sur l'habitation dans les termes qui suivent :
"Une habitation-sucrerie située aux hauteurs de Fort de France dite LA FONTANE, bornée aux différentes aires du vent par les habitations du Sieur Louis DESBROSSES fils, Dame SAINT-HILAIRE, PETIT Dominique, Dame Emile ANCINELL, héritiers GRUERIN et ayant droits Jean-François CROZANT.
Nous ne disposons pas de précisions sur l'activité de l'habitation "LA FONTANE" jusqu'à la mort de Monsieur Edouard Gouyé en 1926. De son vivant, des parties conséquentes du fonds de terre ont été vendues. La succession entraîne une accentuation du partage et la portion de 61 ares détenue par Madame ZAMI, correspond à la partie centrale de l'habitation "LA FONTANE" portant la maison ainsi que la sucrerie comme l'indique les chaudières.
En conclusion, il s'agit d'une petite habitation-sucrerie créée à partir d'une concession au Sieur de VILLAMONT après 1671 qui participe au mouvement de création des sucreries à la Martinique au 17ème siècle. Elle participe donc au développement de l'économie mercantile dans le système esclavagiste avant la Guerre de Sept ans. Détruite pendant ce conflit marquant la moitié du 18ème siècle, elle est rachetée par un négociant, Monsieur FONTANNE de LILLE qui la revend en 1802. Ce négociant est à ce moment, au nombre des acteurs économiques dont les bénéfices de l'activités permettent l'achat d'une sucrerie.
Elle conserve sa superficie initiale de 54 hectares et produits sucre et rhum jusqu'en 1864, à la mort de Madame PARET date de la fin de sa production sucrière. Des concurrents d'une taille beaucoup pus importante sont alors installés pour produire du sucre au moyen d'usines à vapeur : usines de la Pointe Simon, du Lareinty et du Galion. A partir de 1897, "La Fontane" cesse de participer à l'espace agricole et pré-industriel de la canne à sucre à la Martinique. Dans la décennie 1950-1960, elle participe à l'espace "loti et habité" du quartier de Balata dans la partie haute de Fort de France.
LA FONTANE" avec sa maison de maître restaurée et sa batterie de chaudières encore montées témoigne de l'existence d'une partie du patrimoine de la Martinique, tout comme l'habitation Clément au 18ème siècle, reconnue monument historique avec des éléments peut-être moins pertinents.
Sources : Emile EADIE / communication intégrée au dossier des recherches présentée devant l'U.A.G.
le 13 mars 1994, à Fort de France.